Quand un parent me demande : « C’est quoi, au juste, la parentalité positive ? », je réponds d’abord ceci :
La parentalité positive c’est une façon d’éduquer en respectant l’enfant… sans renoncer à votre autorité. C’est élever sans crier, sans frapper, mais sans céder à tout non plus. Et c’est surtout cultiver, pas dominer.
La parentalité positive ne vient pas “remplacer” l’éducation traditionnelle, mais propose une transformation profonde de la relation entre parents et enfants.
Alors je vous invite à poursuivre, pour comprendre ce que cette approche propose pour votre famille et ce qu’elle ne promet pas.
Une définition claire, posée par l’Europe
La parentalité positive, selon le Conseil de l’Europe, est
« un comportement parental fondé sur l’intérêt supérieur de l’enfant, non violent, qui lui fournit reconnaissance et assistance, en établissant un ensemble de repères favorisant son plein développement ».
Autrement dit, ce n’est pas une méthode douce sans règles. C’est une posture éducative fondée sur le respect, l’empathie, la coopération, et la stabilité affective.
Cette approche s’inscrit dans une logique de développement global de l’enfant, où l’on reconnaît qu’il apprend à vivre avec les autres non pas par la peur, mais par l’expérience de relations sécurisantes et justes.
Elle vise aussi à prévenir les effets délétères de la violence éducative ordinaire (cris, fessées, humiliations), aujourd’hui largement documentés dans la recherche scientifique.
En pratique : à quoi ressemble parentalité positive au quotidien ?
La parentalité positive repose sur cinq grands piliers. Voici comment chacun peut s’appliquer, très concrètement, à la maison, avec vos enfants.
1. Répondre aux besoins affectifs de l’enfant
L’un des fondements de la parentalité positive, c’est de reconnaître que chaque comportement de l’enfant exprime un besoin.
Derrière une colère, un refus ou un repli, il y a souvent un besoin de sécurité, d’écoute, de reconnaissance ou de réassurance.
Répondre à ces besoins, ce n’est pas tout excuser. C’est accueillir l’émotion de l’enfant sans la nier, puis accompagner avec fermeté bienveillante.
Par exemple : “Je vois que tu es très fâché parce qu’on doit partir. C’est difficile de quitter le parc, je comprends.
Mais il est temps maintenant.” Cette posture contribue à développer chez l’enfant une meilleure régulation émotionnelle et un attachement sécure, bases fondamentales de son bien-être futur.
2. Donner un cadre structurant
Un des grands malentendus fréquents, c’est de croire qu’un parent positif ne pose pas de limites. C’est faux.
La parentalité positive met un point d’honneur à établir des règles claires, constantes, compréhensibles et adaptées à l’âge de l’enfant. Ces règles sont posées non pas dans la peur, mais dans la coopération.
Le cadre structurant passe par des routines (heures de repas, de sommeil), des règles de vie (respect des autres, ranger ses affaires), mais aussi par la manière de les expliquer et de les faire vivre. On ne se contente pas d’imposer.
On explique, on anticipe, et on cherche à faire coopérer l’enfant. Il s’agit de “structurer sans contraindre” c’est-à-dire de guider avec autorité tranquille, plutôt qu’avec des ordres et des menaces. Cette manière de faire s’appuie sur ces 5 principes fondamentaux.
3. Communiquer avec respect
La parole du parent est un modèle pour l’enfant. Communiquer avec respect signifie parler de manière claire, sans cris, sans humiliations, et écouter activement ce que l’enfant essaie de dire, même s’il le dit mal.
Cela suppose aussi de reformuler, de poser des questions ouvertes, et de s’assurer que l’enfant comprend ce qu’on attend de lui.
Par exemple, au lieu de dire “Arrête de faire n’importe quoi !”, on peut dire : “Ce jeu devient dangereux, tu peux me montrer une autre manière de jouer en sécurité ?”
Cette posture permet à l’enfant de se sentir écouté, valorisé, et renforce son estime de lui tout en maintenant un cadre clair, selon une logique d’écoute empathique.
Quand un ado parle mal, cela ne signifie pas qu’il faut tolérer l’irrespect, mais comprendre ce qui se cache derrière et ajuster sa manière de répondre.
4. Encourager l’autonomie
Favoriser l’autonomie, c’est encourager l’enfant à faire seul ce qu’il peut faire, même si c’est imparfait.
Cela commence très tôt : choisir ses vêtements, mettre la table, décider entre deux options adaptées… Autant d’opportunités de développer sa confiance en lui.
Mais attention : autonomie ne veut pas dire abandon. Le parent reste là pour accompagner, sécuriser, aider si besoin. Le défi est de ne pas faire à la place de l’enfant ce qu’il peut déjà faire seul, tout en l’assurant de notre présence s’il échoue ou doute.
Cette posture développe une compétence clé : le sentiment d’efficacité personnelle, reconnu dans la littérature scientifique comme un prédicteur majeur de la réussite scolaire et sociale.
Cette autonomie, bien encadrée, l’aide aussi à mieux apprendre, mieux s’auto-réguler, et à comprendre comment il progresse.
5. Exclure toute violence
La parentalité positive est non violente par définition.
Cela ne signifie pas être permissif, mais rejeter toutes les formes de violence physique, verbale, psychologique ou symbolique dans l’éducation. Cela comprend les fessées, les cris humiliants, les punitions arbitraires ou les moqueries.
À la place, on propose des conséquences éducatives, c’est-à-dire des réponses liées au comportement de l’enfant et porteuses de sens.
Par exemple : “Tu as renversé l’eau exprès, tu peux nettoyer avec moi.” Ou bien : “Tu n’as pas respecté la règle de temps d’écran, demain il n’y aura pas d’écran.”
Ces réponses respectent la dignité de l’enfant, tout en lui apprenant les règles de la vie en société. Plusieurs chercheurs insistent sur le fait que la violence éducative peut produire de l’agressivité, du repli ou des troubles anxieux chez l’enfant.
Ce que la parentalité positive n’est pas
La parentalité positive est parfois mal comprise. Elle n’est ni un laxisme déguisé, ni un idéal inatteignable. Elle ne nie pas les conflits, ni la fatigue, ni les échecs.
Elle ne demande pas d’être un parent parfait, ni de supprimer toute frustration chez l’enfant.
Ce n’est pas un renversement de rôles, où l’enfant décide de tout. Le parent reste le guide. Mais un guide qui accompagne, plutôt que d’imposer.
Ce n’est pas non plus une recette miracle. Il n’y a pas une seule bonne manière de faire. Il y a des principes… à adapter, avec souplesse, selon votre réalité familiale, vos valeurs et vos limites.
Est-ce que la parentalité positive fonctionne vraiment ?
Oui, et ce n’est pas qu’une impression.
Plusieurs études québécoises et françaises ont montré des résultats concrets : diminution des conflits intrafamiliaux, amélioration du lien parent-enfant, et augmentation du sentiment de compétence parentale après des programmes de soutien basés sur la parentalité positive.
Ces preuves mesurées confortent l’intérêt d’approches éducatives non violentes.
Les enfants ayant grandi dans un cadre structurant et bienveillant développent souvent des repères solides pour réussir plus tard.
Et quand l’enfant fait une “bêtise” ?
Un des grands changements proposés par la parentalité positive, c’est de considérer que l’erreur est une opportunité d’apprentissage.
Un enfant qui frappe, hurle, désobéit n’a pas besoin qu’on “corrige son insolence”, mais qu’on l’aide à comprendre ce qui l’a dépassé, à réparer, et à progresser.
Cela demande au parent de sortir du réflexe “punir” pour entrer dans une logique “enseigner”. On peut dire : “Tu étais très en colère, et tu as frappé.
C’est interdit de faire mal. Viens, on va réfléchir ensemble à ce que tu peux faire la prochaine fois que tu te sens aussi fâché.” Ce type de réponse renforce à la fois la règle… et le lien.
Dans les conflits parent-enfant, les plus intenses, comme entre mère et fils à l’adolescence, cette approche peut jouer un rôle décisif pour désamorcer les tensions.
Et le parent, dans tout ça ?
La parentalité positive ne s’adresse pas qu’aux enfants. Elle valorise aussi le rôle, les émotions et les besoins du parent.
Elle part du principe que l’on ne peut pas éduquer dans la bienveillance si l’on est soi-même à bout de souffle, isolé, ou surchargé.
C’est pourquoi plusieurs dispositifs de soutien à la parentalité ont vu le jour (groupes de parole, lignes d’écoute, ateliers, etc.). Parce que le “parent compétent” n’est pas celui qui gère tout seul, mais celui qui sait demander de l’aide, partager ses doutes, et apprendre en marchant.
Est-ce adapté à toutes les familles ?
C’est là qu’il faut être honnête.
Oui, la parentalité positive est une approche prometteuse, mais elle ne peut pas être mise en œuvre de la même manière dans toutes les familles.
Elle nécessite du temps, de la disponibilité mentale, et parfois un soutien extérieur. Ce que n’ont pas toujours les parents en situation de précarité, de monoparentalité, ou de surcharge domestique.
Des chercheurs et militantes féministes ont mis en lumière le risque de “normativité douce” derrière certains discours sur la parentalité bienveillante : on culpabilise des mères déjà fragilisées, en leur imposant un idéal inaccessible sans ressources suffisantes.